CONSEIL INTERNATIONAL DES ARCHIVES – SECTION ARCHIVES ET DROITS DE L’HOMME
INITIATIVE SPÉCIALE MARQUANT LE 30E ANNIVERSAIRE DE LA DÉCLARATION DES NATIONS UNIES SUR LA PROTECTION DE TOUTES LES PERSONNES CONTRE LES DISPARITIONS FORCÉES
 
Texte soumis par la Section des Archives et des Droits de l’Homme, Conseil international des Archives
1er février 2022
 
Le Conseil international des Archives (ICA), association internationale créée en 1948 pour promouvoir le développement des archives, avec un statut consultatif auprès de l’UNESCO dans le domaine des archives et du patrimoine documentaire, salue l’initiative du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, visant à examiner l’impact de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées au cours des trente années qui ont suivi son adoption.
 
Soutenant cette initiative, le Conseil international des archives, notamment sur la base des travaux de sa Section des archives et des droits de l’homme, est heureux de suggérer des mesures qui permettraient d’améliorer l’accès aux documents et archives contenant des preuves de disparitions forcées.
Comme l’a écrit le Haut-Commissaire, Mme Michelle Bachelet, dans la récente publication Archives and Human Rights :
« La documentation minutieuse des atrocités est un pas essentiel vers la responsabilisation des criminels, la justice et les réparations pour les victimes, et la prévention de nouveaux conflits par la dissuasion et la prévention de nouveaux abus. L’accès public aux informations archivées sur les violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire est également essentiel pour garantir le droit à la vérité. »
La Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées fait référence à la tenue de registres d’informations (article 10), à l’accès aux documents (articles 10, 13 et 20) et à l’interdiction de  » la falsification ou la suppression de documents  » (article 20). En outre, d’autres articles présument l’existence de documents conformes et accessibles, par exemple aux fins de la révision des ordres justifiant les disparitions forcées (article 6), de l’expulsion vers un état où la disparition forcée constitue un danger (article 8) et de la supervision d’une chaîne hiérarchique pour assurer le respect de la loi (article 12).
La Déclaration porte essentiellement sur l’obligation des États en vertu de la Charte des Nations Unies, en ce qui concerne la protection des personnes contre les disparitions forcées. Cependant, les archives relatives aux violations des droits de l’homme, y compris les disparitions forcées, sont détenues dans de nombreuses institutions, y compris les gouvernements nationaux et locaux, les organismes intergouvernementaux, les entreprises, les entités religieuses et les institutions non gouvernementales (locales et internationales). En outre, les documents importants peuvent avoir été déposés auprès d’institutions de collecte, telles que les archives universitaires et les bibliothèques spécialisées.
 
Pour étayer ces articles, un commentaire de la Déclaration devrait mettre l’accent sur les points suivants :
Les États, les organismes intergouvernementaux, les entreprises, les institutions confessionnelles et les organisations non gouvernementales doivent :
1. Identifier publiquement les lieux où sont conservés les documents relatifs aux disparitions forcées.
La capacité à fournir des informations aux familles et à leurs conseils est entravée si les autorités compétentes ne peuvent pas identifier où sont conservés les documents relatifs aux disparitions forcées. De plus, un recours judiciaire efficace ne peut être assuré si les autorités compétentes ne sont pas en possession de toutes les informations sur la situation. Les efforts de vérité et de réconciliation sont également gravement compromis si elles ne sont pas en mesure d’identifier où sont conservés les documents probants, en particulier lorsque ce programme est mis en place longtemps après les événements.
2. Assurer la conservation des dossiers relatifs aux disparitions forcées.
L’identification ne suffit pas sans la conservation.
(a) Les institutions d’archives doivent être autorisées à détenir des documents relatifs aux disparitions forcées. Les archives doivent avoir l’autorité de gérer et d’être chargées de conserver des informations personnelles si cela est dans l’intérêt public, afin de permettre une responsabilisation à long terme, par exemple pour les enquêtes publiques, d’autres enquêtes officielles, et la compréhension publique des événements historiques.
(b) Les documents doivent être gérés dès leur création afin de préserver leur valeur et leur signification en tant que sources d’information faisant autorité et sous-tendant des actions administratives responsables et transparentes. En particulier, les créateurs et les détenteurs de documents doivent s’assurer que tous les documents numériques continuent d’être authentiques, fiables et exploitables, et qu’ils garantissent le caractère parfaitement intègre et inaltéré du document. Lorsque des documents sont transférés vers des institutions d’archives, des processus doivent être mis en place pour préserver à la fois l’accès et le contrôle intellectuel des documents. Ce travail est effectué quel que soit le format ou le support sur lequel le document a été créé. La préservation du contexte dans lequel les documents ont été créés, réunis et conservés est essentielle à leur compréhension.
3. Répondre à la nécessité d’un accès public aux documents relatifs aux disparitions forcées.
La Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées souligne le droit de l’individu à accéder aux informations le concernant et concernant les membres de sa famille. Elle reconnaît également le besoin d’accès des autorités nationales compétentes aux fins d’application de la loi. Cependant, la Déclaration ne contient aucune disposition concernant l’accès du public aux informations relatives aux disparitions forcées ni aucun droit à cet égard. Cette omission ne reconnaît pas l’intérêt public plus large de connaître le sort des disparus, les auteurs de la disparition, et les modèles de conduite institutionnelle qui ont facilité ou toléré les disparitions. Le consentement éclairé, l’application de périodes de fermeture et la possibilité d’anonymiser les documents si nécessaire peuvent permettre au public d’accéder à des preuves qui pourraient favoriser et façonner les futurs programmes en faveur des droits de l’homme ainsi que clarifier la compréhension de l’histoire de la nation.
4. Reconnaître l’importance du rôle des gestionnaires de l’information, des archivistes et des gestionnaires de l’archivage pour assurer l’intégrité des archives.
Des ressources adéquates doivent être allouées pour permettre la bonne gestion des archives, y compris l’emploi de professionnels qualifiés. Le commentaire devrait souligner l’importance des connaissances professionnelles et spécialisées dans la gestion des archives pour faciliter la préservation et l’accès aux informations relatives aux disparitions forcées et autres violations des droits de l’homme.
 
Les États doivent :
1. Adopter une législation exigeant la conservation des dossiers relatifs aux disparitions forcées.
Les États doivent adopter une législation exigeant que les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux conservent indéfiniment les documents relatifs aux disparitions forcées et rendent publique une position claire sur la politique d’accès à ces documents.
Les archives fournissent des preuves de ce qui s’est passé et leur utilisation légitime peut contribuer à façonner un avenir meilleur. Rendre compte des violations des droits de l’homme telles que les disparitions forcées ne profite pas seulement aux survivants et à leurs familles, mais peut aussi agir comme une forme de guérison collective. Renforcer la Déclaration en rendant explicite le rôle des archives sera bénéfique et appuiera le progrès des droits de l’homme.
 
Le Conseil international des archives se tient à votre disposition pour tout commentaire ou explication complémentaire sur les recommandations ci-dessus.
 
Notre contact à cet effet est Vitor Fonseca, président de l’ICA-SAHR : vitormowlac@gmail.com